Avant-propos

Levez les yeux une chaude nuit d’été : les étoiles sont là, à votre portée, elles n’attendent que d’être photographiées. Éloignez-vous des lumières des villes, placez votre appareil photo sur un trépied, réglez le zoom en position grand-angle, choisissez une constellation ou visez au hasard vers la Voie Lactée. Effectuez une mise au point manuelle puis lancez une pose d’une trentaine de secondes. Bravo, vous venez de réaliser votre première photographie astronomique ! Si elle vous plaît et que vous avez envie d’aller plus loin, ce livre est fait pour vous. Si elle ne vous plaît pas et que vous avez envie de comprendre ses défauts et de l’améliorer, ce livre est également fait pour vous.

Vous avez en mains l’essentiel de ce que j’ai appris et expérimenté durant plus d’une douzaine d’années d’utilisation d’instruments, d’appareils numériques, de caméras CCD, de webcams et de logiciels de tous types. Pressentant, comme beaucoup, que l’apparition des capteurs numériques marquait le début d’une ère nouvelle en astronomie d’amateur, je me suis procuré dès 1993 ma première caméra CCD. C’est avec le même enthousiasme que je continue aujourd’hui à photographier le ciel sous toutes ses facettes. Il faut dire que la révolution numérique a tenu ses promesses : les résultats obtenus de nos jours par nombre d’amateurs surpassent les photographies prises il y a quelques décennies depuis les grands observatoires.

Ne soyez pas effrayé par le nombre de pages de ce livre, il est lié à l’étendue du sujet et à l’extrême diversité des objets célestes : on ne photographie pas une galaxie de la même façon qu’une planète ou qu’une éclipse. En outre, la gamme des équipements de prise de vue disponibles est devenue très large et il était indispensable d’aborder tous les types d’appareils et d’instruments couramment utilisés en astrophotographie : ils présentent de nombreuses similitudes mais aussi des différences dans leurs performances et dans leur mise en œuvre. Par exemple, les explications sur les avantages et les inconvénients des lunettes ne vous concernent pas si vous possédez un télescope de Newton – à moins que vous ne décidiez, à la lecture de ces informations, de changer d’instrument !

J’ai conçu cet ouvrage pour qu’il soit le plus complet et auto-suffisant possible. Néanmoins, ce n’est pas un cours de photographie numérique, d’informatique ou d’astronomie générale : la lecture de certains ouvrages cités en bibliographie pourra donc se révéler utile. Quoi qu’il en soit, nul besoin d’être opticien ou informaticien pour réussir de magnifiques clichés du ciel : l’astrophotographie est à la portée de tous. Mais vous ne lirez nulle part dans ce livre que vous allez obtenir d’un coup de baguette magique des images semblables à celles qui illustrent les magazines et les ouvrages d’astronomie. Certains sujets sont faciles à photographier et réclament peu de matériel, d’autres nécessitent une instrumentation un peu plus complexe et relativement coûteuse. Surtout, au-delà des aspects purement matériels, n’oubliez jamais qu’un maillon incontournable de la chaîne de prise de vue c’est vous. Ne brûlez pas les étapes : à bien des égards, un équipement astrophotographique peut se comparer à un instrument de musique, tous deux nécessitent un peu d’apprentissage et de persévérance, plus un soupçon de curiosité et de bon sens. Combien en a-t-on vu, de ces amateurs victimes du syndrome du cavalier (« quand je tombe c’est toujours par la faute de mon cheval ») et qui, en achetant un équipement plus gros, plus cher et en théorie plus performant, pensaient s’offrir en même temps la garantie de résultats meilleurs que ceux que leur procurait un télescope ou un appareil qu’ils n’avaient pas pris le temps d’apprivoiser…

Vous ne trouverez pas non plus ici de panorama exhaustif ni de mode d’emploi détaillé des matériels et logiciels disponibles sur le marché. Ceux-ci étant de plus en plus nombreux et évoluant  constamment, ce livre ne pourrait être exhaustif et deviendrait, sur ces aspects, rapidement obsolète. Si j’ai cité les marques et les références de certains d’entre eux, c’est pour mettre en exergue les caractéristiques particulières dont ils sont dotés. Mais qu’un instrument, un appareil ou un logiciel précis ne soit pas cité ne signifie pas que je le déconseille ou qu’il est inutile ! Je me suis, en revanche, attaché à décrire les notions essentielles et les techniques générales dont vous aurez besoin aujourd’hui ou dans dix ans, ainsi que les solutions aux petits problèmes que, comme moi, vous ne manquerez pas de rencontrer au fil de vos expériences, que ce soit lors de votre première soirée d’astrophotographie ou lors de la centième, s’il y a une centième ; vous avez parfaitement le droit de ne pratiquer l’astrophotographie que deux nuits par an, pendant vos vacances. Dans ce cas, vos exigences et vos moyens techniques ne seront pas les mêmes que ceux de l’astrophotographe passionné qui passe plusieurs nuits par mois aux commandes de son instrument et qui recherche le meilleur résultat possible.

Armé de ces connaissances de base, vous serez capable de déterminer vous-même, à partir des brochures des fabricants et des revendeurs et en faisant fi des arguments purement publicitaires et des idées reçues, l’équipement le plus adapté à vos envies, à vos contraintes et à votre budget. Découvrez et expérimentez l’astrophotographie à votre rythme et avec le matériel dont vous disposez : ne tentez pas d’appliquer dès le premier jour toutes les techniques décrites dans ce livre et ne vous précipitez pas pour acheter tous les équipements qui y sont cités, cherchez-y simplement les réponses à vos questions au fur et à mesure qu’elles se présenteront. Je souhaite aussi que cet ouvrage contribue à éduquer votre vision afin que vous soyez en mesure de déterminer, sur vos photographies ou sur celles des autres, quels sont les points forts et, surtout, les points à améliorer et la manière d’y parvenir. Tout en se souvenant qu’un résultat ne peut s’évaluer qu’en tenant compte de la puissance des moyens employés.

Je me suis attaché à expliquer, aussi souvent que possible, le pourquoi des choses : les « recettes de cuisine » que l’on applique aveuglément procurent rarement de bons résultats, surtout en astrophotographie où chaque situation est particulière. J’ai tenu à en rester à un niveau technique et mathématique modeste, en limitant le nombre de formules et leur complexité : nous n’irons pas plus loin que la racine carrée. Surtout, je me suis concentré sur les notions essentielles et les techniques incontournables, celles qui ont fait leurs preuves et ont démontré leur efficacité sur le terrain ; c’est volontairement que j’ai fait l’impasse sur des points dont l’utilité pratique reste à démontrer. Ainsi, je ne décrirai pas tous les traitements d’image possibles et imaginables, je me concentrerai sur ceux qui permettent d’améliorer les photographies astronomiques d’une manière tangible. Enfin, nous nous en tiendrons — et c’est déjà beaucoup — à la prise de vue et au traitement des photographies réalisées dans un but esthétique, ce qu’on appelle couramment les « belles images » ; l’exploitation des photographies à des fins de compréhension des mécanismes physiques ou de contribution à la recherche scientifique est un thème si vaste et si passionnant qu’un livre entier pourrait lui être dédié (voir l’encadré « Un pas vers la science »).

Grâce au progrès fulgurant des moyens techniques, l’astrophotographie n’a jamais été aussi facile et performante qu’aujourd’hui. Puisse ce livre vous aider dans cette passionnante aventure !

Comment lire ce livre ?

Pour aborder en douceur la photographie astronomique et vous familiariser avec la prise de vue nocturne, lisez le chapitre 1 qui vous apprendra comment photographier, avec un simple appareil photo, les objets et phénomènes célestes que vous voyez à l’œil nu.

Si vous possédez un instrument astronomique ou que vous envisagez son acquisition, ou encore si vous pratiquez déjà l’astrophotographie et que vous souhaitez vous perfectionner, vous trouverez décrite la photographie des planètes et de la Lune au chapitre 5, tandis que celle des étoiles, des nébuleuses et des galaxies se trouve au chapitre 7. Le chapitre 6 est dédié au Soleil et fait largement appel aux notions vues au chapitre 5. Le chapitre 4, quant à lui, décrit les techniques générales telles que la mise au point et qui vous seront utiles pour tous les types d’objets astronomiques.

Pour connaître les différents types d’appareils de prise de vue utilisés en astronomie, leurs caractéristiques les plus importantes, leurs similitudes et leurs différences, consultez le chapitre 2. À sa suite, le chapitre 3 vous expliquera le pourquoi et le comment des techniques de base qui permettent de « nettoyer » les images issues de votre appareil de leurs défauts habituels.

Un pas vers la science

Pourquoi photographier le ciel en amateur, pourrait-on se demander en contemplant les extraordinaires photographies de planètes, de nébuleuses et de galaxies prises par les grands télescopes professionnels et les sondes spatiales et mises à notre disposition dans une multitude de sites Internet et de revues astronomiques. Une partie de la réponse à cette question réside dans l’envie d’obtenir ses propres clichés des astres : après tout, la plupart des touristes qui visitent les pyramides d’Égypte, les Chutes du Niagara ou la Grande Muraille de Chine en réalisent aussi des photographies, même si ces sites ont déjà été photographiés des millions de fois et que de magnifiques ouvrages leur ont été consacrés. Le plaisir de photographier le ciel est le prolongement naturel de celui de l’observation visuelle du ciel nocturne « en direct », d’autant que la photographie à longue pose offre des vues infiniment plus profondes et colorées des objets faibles que sont les nébuleuses et les galaxies.

Surtout, les astres évoluent et des phénomènes se produisent constamment dans le ciel. Lorsque nous sommes le témoin émerveillé d’un événement tel qu’une pluie d’étoiles filantes, une éclipse, l’apparition d’une gigantesque tache solaire ou la visite d’une belle comète, le moyen d’en conserver la trace et de le partager avec les personnes qui n’ont pu l’admirer est de le photographier soi-même.

En outre, il est tout à fait possible de dépasser l’aspect purement esthétique (certains diront « touristique ») de l’astrophotographie et d’utiliser les photographies des astres pour étudier et comprendre leur comportement et les mécanismes physiques qui y président, voire pour en découvrir de nouveaux. Dans certains cas, les amateurs peuvent même faire œuvre utile en secondant les professionnels qui disposent certes de moyens techniques plus sophistiqués, mais en nombre si restreint qu’il leur est impossible d’exercer une surveillance complète et continue du ciel. Les thèmes d’étude sont innombrables, beaucoup ne réclament ni connaissance technique ou scientifique pointue, ni moyen technique autre que ceux décrits dans ce livre. Les logiciels astronomiques se chargent, quant à eux, des traitements adéquats : mesure de la luminosité des astres (photométrie), mesure de leur position et calcul de leur trajectoire (astrométrie) ou mise en évidence leurs raies spectrales (spectroscopie). Voici quelques thèmes parmi les plus abordés :

-   la recherche de novæ et de supernovæ, et le suivi de leurs variations de lumière ;

-   le suivi des variations de lumière des étoiles variables ;

-   la recherche de nouveaux astéroïdes ou de nouvelles comètes et la détermination de leurs orbites ;

-   la détermination de la forme et de la période de rotation d’astéroïdes à partir de leurs variations de lumière et des occultations d’étoiles ;

-   la détermination de la composition chimique d’astres (étoiles, comètes...) et de certaines conditions physiques y régnant ;

-   le suivi de l’activité des surfaces et atmosphères planétaires des planètes principales, en particulier : évolution des bandes nuageuses et cyclones joviens, apparition de cyclones saisonniers sur Saturne, évolution des calottes polaires et apparition des immenses tempêtes de sable à la surface de Mars ;

-   le suivi des variations de l’activité solaire.